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Publié le 19 juillet 2019 Modifié le 27 juin 2023
Temps de lecture : 7 minutes

Digitalisation et gestion des ressources humaines : impacts et perspectives dans la Fonction publique

Automatisation, robotisation, numérisation, dématérialisation, digitalisation… Autant de termes représentant l’évolution de l’impact des progrès techniques sur le monde des Hommes.

Si la numérisation (transfert d’un élément matériel sur un support immatériel) et la dématérialisation (production d’un document numérique sans recourir à un support physique) semblent déjà dépassés dans le vocabulaire commun, il n’en va pas de même pour la digitalisation, notion plus actuelle. Elle désigne, à elle seule, tous les changements qu’implique l’intégration de la technologie digitale au niveau des échanges humains et des outils. La question de la digitalisation n’est pas récente, en revanche, son intensification est relativement nouvelle.

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Si les directives de l’Etat n’ambitionnent pas encore ouvertement un déploiement de la digitalisation, elles en posent toutefois les prémisses au travers de la dématérialisation.

Mélanie LECAS
Consultante en ressources humaines

De la dématérialisation à la digitalisation dans la Fonction publique

Celle-ci se propage dans les différentes aires de l’État qui y voit un moyen de réduire les coûts et d’améliorer les délais de traitement de l’information : plaintes en ligne, dématérialisation des procédures judiciaires, dématérialisation financière et comptable pour les hôpitaux et les collectivités, … Les programmes de l’État prétendent à de véritables virages du numérique d’ici à 2022. En matière RH, l’impulsion de la dématérialisation a été donnée par une circulaire du 6 août 2016 prévoyant la dématérialisation des bulletins de paie des fonctionnaires de l’État. Même si cela semble discret, ce vent de technologie vient également souffler sur la gestion RH de la Fonction publique.

Si un grand nombre de structures y ont déjà recours, le déploiement du digital dans la Fonction publique reste inégal. En effet, les petites collectivités peinent à se mettre au diapason des grandes structures étatiques. Pour celles qui la mettent déjà en œuvre, cela touche notamment la gestion administrative des ressources humaines, via l’implantation de systèmes d’informations interconnectant les processus RH (traitement des demandes de congés, de formation, la paie, l’évaluation…), ou prend la forme d’une digitalisation du mode de travail (télétravail).

La digitalisation reste donc une pratique encore timide dans la Fonction publique, se cantonnant souvent à l’objectif de numérisation ou dématérialisation des documents. Certaines structures vont pourtant plus loin et adoptent des pratiques déjà répandues dans le secteur privé. Tel est le cas de la Métropole d’Orléans (Loiret) qui utilise, d’ores et déjà, l’intelligence artificielle dans sa gestion des ressources humaines. Elle a, en effet, mis à disposition des agents un chatbot (programme informatique utilisant l’intelligence artificielle pour tenir une conversation) pouvant être interrogé, quel que soit le jour ou l’heure, sur de nombreux thèmes RH (carrière, congés, arrêts maladie, rémunération…).

L’avenir du digital dans la Fonction publique

La Fonction publique bénéficie des avancées développées dans le secteur privé. Ainsi, il est possible que les applications novatrices du digital dans ce secteur préfigurent les applications du digital de demain au sein de la Fonction publique. En matière de gestion des RH dans le secteur privé, la digitalisation touche tant les relations humaines que les méthodes de travail des gestionnaires RH ou de tous les collaborateurs.

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Du point de vue des relations humaines, la digitalisation prend la forme d’une virtualisation des rapports. Sont d’abord concernées les relations entre les collaborateurs, via l’utilisation de messageries instantanées ou d’outils de gestion de communautés implantés dans les réseaux sociaux d’entreprise. Mais ce sont aussi les relations entre les collaborateurs et les professionnels des ressources humaines qui sont modifiées, dès lors que ces mêmes réseaux sociaux formalisent l’ensemble des processus RH ou que sont utilisés des chatbots pour répondre à des questions RH, solliciter des formations ou exécuter un premier niveau d’entretien pour du recrutement.

De nouvelles modalités de formation (e-learning, webinar, réalité virtuelle…) ou d’échanges (téléconférence, visioconférence…) sont autant d’incursions du digital venant impacter les méthodes de travail de tous les collaborateurs d’une structure.

digital

Les méthodes de travail des professionnels des ressources humaines sont elles aussi touchées par la digitalisation. La technologie peut venir modifier une grande partie d’un processus comme celui du recrutement dont le sourcing peut être effectué sur les réseaux sociaux, le tri des candidatures réalisé par le SIRH, ou encore la sélection de candidats opérée par des logiciels basés sur les neurosciences. Elle peut également enrichir le travail comme on peut le voir avec l’analytique RH qui vise l’analyse des données RH internes et potentiellement externes. Elle a pour but d’identifier les facteurs de performance permettant notamment l’orientation des recrutements, les facteurs de départ et des causes de l’absentéisme ou du désengagement déterminant la mise en œuvre de mesures correctives, le cas échéant.

La technologie permet aussi l’accès à de nouveaux outils, plus efficaces et destinés à soutenir certaines difficultés notamment en matière d’attractivité et de fidélisation. Il en va ainsi d’outils du marketing RH combinant le développement d’une marque employeur et la e-réputation.

Bien que les applications soient déjà très poussées, cela peut aller encore plus loin. En effet, aujourd’hui, le visage de la digitalisation est celui d’une combinaison du big data et de l’intelligence artificielle et peut prendre la forme de robots recruteurs. Ainsi, Vera, mise au point par une société russe, a été utilisée par L’Oréal ou Ikea. Toutefois, l’innovation n’a pas été concluante puisque le robot a déjà été licencié pour avoir usé de discriminations dans ses recrutements.

Les bénéfices attendus de la digitalisation

Si la digitalisation peut être effrayante par certains de ses aspects (transformation ou disparition de métiers…) elle permet également de se recentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, comme c’est le cas pour les métiers des RH, ou faire émerger de nouveaux métiers comme celui de data scientist.

Les avantages de la digitalisation sont multiples et bénéficient tant aux organisations qu’aux collaborateurs.

Ainsi, l’organisation peut espérer des gains en efficience et en performance notamment lorsque la digitalisation permet de réaliser un travail en moins de temps et avec des moyens moins couteux. Pour la fonction RH, cela est possible en facilitant l’accès à l’information (droit à congé, RTT, dossier personnel, catalogue de formation…), en limitant le recours à l’individu pour l’obtenir ou encore en gagnant en célérité de son traitement.

Le collaborateur peut également trouver plus de satisfaction dans son travail (disparition ou limitation de tâches à faible valeur ajoutée) et améliorer sa qualité de vie en économisant du temps et de l’argent (limitation des déplacements grâce au télétravail, aux visioconférences…).

Des conditions de réussite de la digitalisation

La digitalisation présente des avantages incontestables, toutefois elle appelle à la vigilance concernant certains points.

Les organisations doivent pouvoir accompagner leurs collaborateurs face à la mutation voire la disparition de leurs métiers en mettant en place des formations ou des dispositifs de mobilité. Face aux changements des méthodes de travail, qui peuvent produire des effets délétères (virtualisation des rapports sociaux, isolement professionnel produit par le télétravail, hyper-sollicitation de l’attention liée aux mails…), elles peuvent sensibiliser et encadrer les pratiques afin de préserver la qualité de vie au travail. Il en va de même concernant les outils digitaux permettant un accès à des éléments professionnels au temps personnel (télétravail, ordinateur ou téléphone portable…) qui rendent la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle plus poreuse. Par conséquent, la déontologie doit être au cœur de la réflexion pour tout déploiement de la digitalisation au cœur d’une organisation.

La digitalisation, de par la nature et l’envergure de ses impacts, conduit à des changements importants au sein des organisations. Il est donc nécessaire de veiller à organiser une bonne conduite du changement afin de déployer rapidement tout le potentiel bénéfique de ces évolutions sans que cela ne vienne générer de nouveaux risques psychosociaux.

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